Cet extrait est tiré du livre du physicien polonais Léopold Infeld « Evariste Galois » qui parle de la vie et de l'activité du célèbre mathematicien et révolutionnaire français. Le passage ci-dessous décrit sa première rencontre avec les mathématiques au collège Louis-le-Grand. Les professeurs de ce collège ont obligé Evariste Galois de redoubler la seconde classe le trouvant très jeune et son bulletin scolaire ne répondant pas à leurs exigences. Evariste dut suivre les memes cours. Pour ne pas s'ennuyer, il décida pour la première fois de faire des mathematiques. Cette matière n'était pas obligatoire. On etudiait les « Eléments de géometrie » du grand mathématicien Legendre. Evariste ouvrit le livre et lut le début : «La géometrie est une science qui a pour objet la mesure de l'étendue. L'étendue a trois dimensions : longueur, largeur et hauteur». En lisant page après page il voyait que la géometrie était construite avec la simplicité et la beauté d'un temple grec. Par une lecture rapide il saisissait non seulement les théorèmes isolés, mais aussi leurs rapports. Bientôt la classe, l'entourage, les camarades, les professeurs cessèrent d'exister. Les théorèmes abstraits devinrent plus réels. Il sentit qu'il connaissait la géometrie depuis très longtemps. Un voile lui avait caché la géometrie, maintenant le livre de Legendre dechira le voile. A tous les cours, à tous ses moments libres, il absorba les théorèmes, donna ses propres preuves. En deux jours, il avait fini l'ouvrage de Legendre qu'on étudiait d'habitude deux ans. Il savait tout son contenu. Il savait que tout cela resterait dans son esprit jusqu'au dernier jour de sa vie. Evariste alla dans la bibliothèque de Louis-le-Grand. Quand il prit «La résolution des équations numériques » de Lagrange, le bibliothécaire étonné dit : « Les livres doivent être gardés huit jours seulement. Pourrez-vous tout lire en huit jourd ?» — « Je tâcherai ». Il lut la définition de l'algebre : « L'algèbre, prise dans le sens plus étendu, est l'art de déterminer les inconnues par les fonctions des quantités connues, ou qu'on regarde comme connues». Evariste réfléchit au problème de l'algèbre, au problème de la résolution des équations algébriques. Dans son livre Lagrange montre la solution des équations du 1er, 2e, 3e degrés. Ces équations sont solubles par radicaux. Mais ensuite la méthode de Lagrange échoue brusquement. Est-il possible de résoudre toutes les équations algébriques par radicaux ? Galois sentait que c'était le problème central de l'algèbre, qu'une méthode devait exister et il commenca des recherches personnelles. Ainsi Galois, élève du collège Louis-le-Grand, formula un des plus grands problemes de l'algèbre. Il n'avait pas seize ans. Pourtant, il ne pouvait pas comprendre son importance. Il ne savait pas combien les méthodes qu'il emploirait à résoudre ce probleme aideraient à developper les mathématiques cent ans plus tard.
(D'après «Science et vie») |