Ce principe s'est dégagé peu à peu, au fur et à mesure qu'on connaissait mieux les possibilités de transformer l'énergie. Les premières machines étaient surtout destinées a amplifier les efforts des différentes machines construites par Archimède, qui avait exprimé sous une forme imagée le principe : ce qu'on gagne en force, on perd en déplacement, en s'exclamant : donnez-moi un point d'appui et je soulèverai le monde. En réalité, dans ces machines il n'y a pas réellement de transformation d'énergie, et il est plus correct de parler ici de conservation du travail.

La création de travail par la chute d'un corps montre la différence entre l'énergie potentielle et l'énergie cinétique ; dans ce cas, l'énergie potentielle est due à la pesanteur, et elle est d'autant plus importante que la masse du corps et sa hauteur de chute possible sont plus grandes.

La possibilité de créer du travail en faisant tomber un corps d'une certaine hauteur lui confère donc, lorsqu'il est dans sa position élevée, une certaine énergie potentielle ; mais il existe un grand nombre d'autres états qui confèrent aussi à un système une énergie potentielle. Ainsi du gaz comprimé dans un cylindre est susceptible, en se détendant, de repousser un piston, et de fournir du travail ; or le chauffage d'un gaz dans une enceinte à un volume constant provoque une augmentation de pression : le principe de la conservation de l'énergie s'etend au cas où il y a transformation de chaleur en travail, ou inversement.

Mais l'énergie électrique est également susceptible de se transformer, soit en énergie calorifique par effet joule (échauffement d'un conducteur parcouru par un courant), soit en énergie mécanique dans une machine électro-magnétique.

Il y a un siècle et demi, Lavoisier avait énoncé la loi de la conservation de la masse dans les réactions chimiques, loi qui a fait l'objet de vérifications très précises, et aucune variation de masse supérieure aux erreurs d'expérience n'a pu être observée a la suite de réactions chimiques a l'intérieur d'un système.

Au début du XXe siècle, on se trouvait donc en possession de deux principes d'invariance: conservation de la masse et conservation de l'énergie ; la chaleur ou énergie thermique, l'énergie mécanique, la force vive ou l'énergie cinetique, l'énergie électro-magnétique, l'énergie potentielle, et l'énergie interne, se transforment les unes en les autres, selon certaines lois, leur total restant constant. C'est alors que Einstein a émis un principe très hardi, d'après lequel matière et énergie peuvent se transformer l'une en l'autre, selon un rapport constant (lg étant sensiblement équivalent a 9X1020 ergs ou 25x104 kwh) ; cette transformation se manifeste dans les phénomènes de radio-activité et, à la suite de certaines expériences, on peut considérer que ce principe est maintenant vérifié expérimentalement ; on arrive alors à cette magnifique synthèse représentée par un seul principe d'invariance : pour un système isolé, la somme de la masse et de l'énergie est invariable.

 

(D'après « Que sais-je ? »)