Thalys, le TGV rouge et gris reliant Paris à Bruxelles, a été emprunté par plus de deux millions de voyageurs en 1997. À la suite de son extension vers Amsterdam, quatre millions de voyageurs sont atten­dus en 1998. Il pourrait ainsi devenir un haut lieu du bilinguisme en milieu ferro­viaire alors que la Belgique peine à intro­duire un bilinguisme dans les écoles. La compétence des Communautés en matiè­re d'emploi des langues est territorialement limitée à la Région  de  langue

française et à la Région de langue néer­landaise, à l'exception de Bruxelles et des communes à facilités qui sont, elles, de la compétence régionale flamande, point de vue contesté par la région wallonne. Condition de plus en plus impérative de l'embauche dans beaucoup de secteurs d'activité, le bilinguisme scolaire peine à dépasser le cadre formel d'une organisa­tion scolaire encore centrée sur l'écrit. Les sénateurs Villame, Milquet et Charlier, tous les trois au P.S.C. (Parti social chré­tien), viennent de déposer une proposi­tion de loi modifiant la situation actuelle et permettant qu'une partie des pro­grammes scolaires puisse être donnée dans l'autre langue nationale par des en­seignants d'une Communauté. Jusqu'à présent un enseignant néerlandophone désireux d'enseigner en Wallonie devait faire la preuve de sa connaissance appro­fondie du français et inversement pour la région néerlandophone. Dorénavant on n'exigerait de lui qu'une connaissance élémentaire de la langue d'enseignement de l'école.

Pour les trois sénateurs, dans un pays bi­lingue, la priorité doit être donnée à la connaissance de l'autre langue nationale par rapport à l'anglais. Si la situation ac­tuelle persistait, il ne serait pas étrange de rejoindre le modèle helvétique qui contraint les ingénieurs francophones à des homologues bernois supposés bilingues (Le Soir, 30 janvier 1998). Le même quotidien publiera, le 7 mars sui­vant, la traduction dans les faits de ces in­tentions, sous forme d'avant-projet de décret déposé par la ministre Laurette Onkelinx entérinant l'aval officiel et en­thousiaste des syndicats : Pour les écoles si­tuées en Wallonie, dès la rentrée de 1998, une deuxième langue allait devenir obliga­toire à partir des 5e et 6e années primaires. Mais le décret donne aussi une base à l'im­mersion de la troisième année de maternel­le à la sixième année de primaire, avec autorisation du gouvernement. Les échos qui parviennent à notre revue sont plus critiques. Anne-Marie Evrard, ins­pectrice francophone d'écoles maternelles dans la région de Charleroi se pose quelques questions sur cette annonce sensationnelle qui donnerait forme à un rêve séculaire : susciter une communication entre Flamands et Wallons alors que tout nous sépare y compris les institutions, les projets pédagogiques ? Qui s'engagerait dans cette galère : revenir aux instituteurs ou régents qui ont choisi le néerlandais ou l'anglais comme option, comme au bon vieux temps, c'est-à-dire avec des mé­thodes qui ne font pas avancer les compé­tences d'un pouce ? Le projet immersion dans une seconde langue me parait plus fé­cond mais il est tellement vague ! Un cours de mathématiques, d'histoire, de géogra­phie, de travaux manuels donnés dans une les horaires alors que les emplois son bouchés (attribués) dans les trois niveaux Et pour les formations : quelles méthode, quels contenus ? C'est bizarre : la formation continuée porte toujours sur les enseignants (maternelles, régents, instituteurs et jamais sur les formateurs de formateurs qui ne cessent de transmettre tout en prêchant l'apprentissage par les enfants. Ce qui me désespère, c'est cette incohérence ou malhonnêteté intellectuelle entre le paroles et les actes entre tes recherches actions et leur mise en chantier dérisoire par tes institutions.

  

Vers des I.U.F.M. Belges ?

 

Sous le titre Maternelles, instituteurs et régents dans le même moule, un projet est débattu actuellement dans les milieux universitaires et politiques sous le slogan : Favoriser la mobilité. En novembre 1994, Marcel Crochet, recteur de l'Université catholique de Louvain-la-Neuve (UCL), et Diane Platteeuw, présidente de l'Université d'État de Liège avaient réagi aux situations d'échec des étudiants De nombreux projets pédagogiques ont montré que les étudiants souhaitent relier leur formation à des problèmes concrets, la nourrir des recherches menées par les enseignants et l'ouvrir aux regards de personnes du terrain... La simple tranmission magistrale de savoirs experts nous semble tout aussi contre-productive sur plan de l'efficacité sociale et économique que celui de la motivation des étudiants des enseignants. Ce qui parait urgent et signataires de cet article paru dans Le Soir du 21 novembre 1997, c'est qu'ensegnants, étudiants et responsables reconstruisent un terrain d'action qui leur soit commun et qui dépasserait les cloisons entre recherche et formation, entre hautes écoles et université, entre enseignement secondaire et supérieur.

 

 (“Le Français dans le Monde” № 298 / Juillet 1998)