Les eaux minérales françaises comptent quelques grands noms célèbres dans le monde entier. Leur passé est brillant et médical. Leur avenir est radieux : la bouteille en verre ou en plastique faisant figure de salut face aux risques de pollution.
Les Romains avaient ouvert un hôpital pour leurs légions à Plombières dans les Vosges. Comme le rappelle Astérix chez les Avernes, ils se soignaient également à Vichy dans le Massif Central. Puis c'est Montaigne qui voyage pour "prendre les eaux". Le temps passe et l'on voit les administrateurs des colonies venir se refaire une santé à Vittel ou à Vichy. Le développement d'une médecine recourant surtout aux médicaments aussi bien que l'abandon des colonies entraine le déclin des grandes villes d'eau françaises et un relatif ralentissement de la consommation des bouteilles. Quelques vrais malades et quelques snobs les accueillent encore à leur table.
Une question de confiance
Puis arrivèrent coup sur coup le développement de l'urbanisation (qui oblige à consommer une eau du robinet au goût plus ou moins chloré), la créa-tion des bouteilles en plastique (plus légères à transporter que les emballages en verre), et enfin les alertes à la pollution. Et voilà que l'eau devient la soif d'aujourd'hui ! Surtout par manque de confiance dans celle du robinet (pourtant généralement convenable en France), les buveurs se tournent vers l'eau cachetée. Mais qui dit bouteille ne dit pas forcément grandes marques. Aussi une sourde rivalité oppose-t-elle actuellement les eaux renomées, présentes sur tout le territoire, et les eaux qui s'affichent seulement "eaux de source". Ces dernières ne font pas de publicité, elles sont vendues à proximité de leur lieu d'embouteillage et sont donc bon marché. Elles créeraient une vrai concurence aux grands groupes producteurs si ceux-ci s'en désintéressaient...
Une note élégante
La notoriété des eaux françaises à l'étranger ne date pas d'aujourd'hui. Évian, Vichy, Badoit, Perrier sont célèbres du Japon aux États-Unis. Elles apportent une touche chic qui n'a rien à voir avec quelque prescription médicale que ce soit. Si, en Europe, la France vient après l'Allemagne, l'Italie et la Suisse en ce qui concerne la consommation par habitant, elle prend très largement la tête quand il s'agit d'exportation. Un quart de la production est en effet vendue hors de ses frontières. Mieux même, le goût français est parvenu à influencer celui de nombreux clients outre-Atlantique ; traditionellement, les Américains apprécient la saveur des eaux traitées, le goût de chlore ne leur déplaît pas. Ils auraient plutôt tendance à se méfier des produits entièrement naturels. En France, à l'inverse, on considère que la nature est bonne et que l'absence de traitement est le meileur traitement. Cette conception rousseauiste a aujourd'hui conquis une partie des consomateurs américains, qui après avoir goûté aux vins et aux fromages français, se sont également laissé séduire par les eaux de même provenance. Née du goût ou de la nécessité, une industrie nationale nouvelle se développe dans beaucoup de pays, en Turquie ou en Chine par exemple (avec le concours de Danone) : celle de l'eau pure.
françoise ploquin LE FRANCAIS DANS LE MONDE • N° 305 |